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Parité femmes/hommes : la charte de l’ACDN, un nouvel outil

Par Thomas Corlin | Le | Organisations et réseaux professionnels

Sur scène et dans les coulisses, la parité femmes/hommes doit être enfin effective dans le spectacle vivant. C’est ce que vise l’Association des Centres Dramatiques Nationaux en signant une charte commune aux 38 établissements, poussant plus loin les critères déjà émis jusqu’ici, d’après Émilie Capliez, présidente de l’ACDN et co-directrice de la Comédie de Colmar (Haut-Rhin).

En 10 ans, le nombre de directrices de CDN est passé de 12 à 46 %.  - © D.R.
En 10 ans, le nombre de directrices de CDN est passé de 12 à 46 %. - © D.R.

Ce type d’action en réseau autour de la parité a-t-il des précédents ? 

Je ne connais pas d’initiatives similaires, en France ou à l’étranger, réunissant tout un réseau d’équipements de cette envergure, en faveur de la parité femmes/hommes. Nous concernant, cette charte émane de discussions que nous avons eues entre CDN. En cherchant un endroit par lequel entamer ce chantier, la charte a semblé le plus indiqué. La problématique elle-même a toujours été très présente dans notre quotidien, et le renouvellement des personnels dans le réseau a donné l’occasion de se concerter à ce sujet. Les 38 CDN connaissent des parcours, des territoires et des politiques variés, ainsi il ne se sont pas tous engagés au même moment sur la question. 

Quel constat a motivé cette charte ? 

En 10 ans, le nombre de directrices de CDN est passé de 12 à 46 %, et c’est très encourageant. Cependant, cette évolution doit se traduire à d’autres échelles, à tous les endroits de notre filière. En termes de visibilité, 50 % de présence féminine en plateau est aisé à quantifier, mais cela l’est moins pour le reste des équipes artistiques. Il s’agit aussi de travailler à l’endroit des mises en scène, de la conception, de l’écriture des textes, etc. Le SYNDEAC a été assez précis là-dessus, et souhaite qu’une vigilance s’instaure dans tout l’organigramme d’une création, même si nous savons bien qu’il est impossible d’enchaîner des saisons parfaitement équilibrées. Il en va cependant de l’égalité de traitement dans les parcours professionnels, qui sont souvent déterminés par la visibilité du travail de chacun.e. 

Il en va de l’égalité de traitement dans les parcours professionnels, qui sont souvent déterminés par la visibilité du travail de chacun.e. 

Un autre indicateur est à surveiller : celui des jauges qui sont offertes à chaque spectacle. Il a été observé que de nombreuses créations portées par des femmes n’accédaient qu’à des petits plateaux, ramenant la jauge offerte à 31 % des sièges disponibles au total. C’est une tendance qui peut être corrigée. 

Comment comptez-vous vous assurer du suivi de cette charte ? 

Nous comptons en juger à l’échelle d’un mandat complet, pour laisser une politique se déployer. Ceci n’est qu’une première pierre posée, qui marque que nous portons une attention particulière sur ces questions, et reconnaissons qu’il s’agit d’une urgence. Ces critères seront inscrits dans nos conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) pour plus de vigilance. La charte a été signée il y a quelques mois seulement, et nous nous attendons à ce qu’elle soit effective à partir de la saison à venir. 

Cet engagement prend place dans un contexte de reprise encore fébrile. Quel sentiment domine le réseau après cette année de reprise en dents de scie ? 

À titre personnel, j’ai effectué ma première saison entière à la tête de la Comédie de Colmar (étant entrée en poste en 2019), et elle a été particulièrement éreintante. L’expérience a été la même dans tous les lieux du réseau, bien qu’avec de nombreuses disparités selon les territoires. Pour autant, la reprise d’activité a été très belle, et pose de nombreuses questions sociétales quant au rapport qu’entretient le public avec ce que nous lui proposons. La rapport de la Cour des Comptes sur la diffusion du spectacle vivant interroge aussi sur l’avenir du service public dans le champ artistique, dont nous espérons qu’il restera solide. Comment nous relançons-nous ? Comment le spectacle s’implante-t-il dans les territoires ? Quel rôle avons-nous à jouer dans la transition écologique ? La période nous impose de mener cette réflexion, quand bien même nous ne savons pas encore de quoi demain sera fait, ni même si nous pouvons enfin penser à la pandémie au passé. 

L’ACDN, en bref

• Association constituée par les directeurs de CDN (Centres dramatiques nationaux) et de CDR (Centres dramatiques régionaux).

• Créée sous le nom d’ACID (Association pour la création et l’innovation dans la décentralisation dramatique).

• Renommée ACDN (Association des Centres dramatiques nationaux) à l’issue d’une AG extraordinaire le 26/01/2015.

• Missions :

- affirmer la position des CDN comme pôles structurants en région œuvrant à la création, à la transmission et à la professionnalisation

- dynamiser la communication entre les institutions dédiées à la création théâtrale et leurs partenaires

- être un interlocuteur sectoriel et améliorer le dialogue avec l’ensemble de la profession et les partenaires publics.

• Présidente : Émilie Capliez, directrice de la Comédie de Colmar - CDN Grand Est Alsace (élue le 24/03/2022)

• Vice-présidents : Nathalie Garraud, codirectrice du Théâtre des 13 Vents - CDN Montpellier, et Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération - CDN Lyon

• Secrétaire général : Jérôme Sallé (depuis le 14/06/2021)